La publicité ? Morte ? Enterrée par le storytelling ? Encore un blogueur excité qui a passé trop de temps devant son ordinateur. Ça lui a grillé quelques neurones !
Possible. Il n’en demeure pas moins que la publicité sous la forme qu’on lui connaît est finie. Même si certaines personnes continuent de réaliser des spots publicitaires. C’est un peu comme la lumière des étoiles mortes qui continuent de nous parvenir des années après qu’elles se soient éteintes.
Le spot publicitaire TV laisse place à une nouvelle forme de communication marketing. De l’humain, de l’émotion, et surtout des vraies histoires.
Le colonel Moutarde avec le chandelier
dans la véranda
Avant de parler du successeur de la pub, constatons le décès et faisons l’autopsie du cadavre. La publicité est donc morte. Nous parlons en fait du spot de pub télévisé classique et de la pub web. Celui qui comporte un jingle accompagné d’un slogan conçus pour vous rentrer dans la tête. Celui qui fait appel au corps féminin dévêtu. Celui qui ne rechigne pas à embaucher une star prétendant qu’elle doit en partie son succès à CE produit.
Finito ! D’abord parce que le public n’y croit plus. Pourquoi croyez-vous que le son de la télévision devient plus fort au moment de la page de publicité ? Parce que les gens sont partie dans la cuisine ou aux toilettes, en attendant la suite du film ou de la série choisi(e). Pourquoi place-t-on les pubs AVANT la vidéo Youtube sur laquelle vous avez cliqué ? Parce que si la pub arrivait après, personne ne la regarderait. On en arrive presque à se dire que le marketing est mauvais par nature.
« D’après le CSA, 83% des internautes déclarent être « irrités »
par la publicité online. »
La publicité doit être imposée au consommateur. Personne ne regarde de soi-même une pub qui vante les mérites d’un produit ou d’un service avec force exagérations. Rappelons que des autocollants « stop pub » aux adblockers, beaucoup de gens se donnent du mal pour y échapper. La publicité est un repoussoir, ce qui va totalement à l’opposé de son objectif premier qui est d’attirer des clients.
La pub traditionnelle a échoué. Le fait qu’elle soit omniprésente (l’inflation des affiches publicitaires est proprement hallucinante) montre à quel point elle est devenue inopérante. L’homme du 21e siècle a développé une sorte d’insensibilité. Bien souvent, on ne la voit même plus, si ce n’est pour constater à quel point elle défigure le paysage. Dans ce genre de cas, il y a 2 types de réactions. Il y a les acharnés qui persistent et signent. C’est ceux-là que nous enterrons aujourd’hui. Et il y a ceux qui se disent qu’il faudrait peut-être changer quelque chose.
Tu pousses le bouchon
un peu trop loin, Maurice !
Il était temps de regarder ailleurs. Plusieurs sources d’inspiration étaient déjà présentes. D’abord, il y a le cinéma. Malgré la télévision, malgré internet, les gens continuer de payer une certaine somme pour aller voir des films hors de chez eux. Fort ! Conclusion : si vous avez une bonne histoire à raconter, vous déplacerez des foules. C’est le pari qu’a fait Intermarché, créant une publicité virale…parce que ce n’est plus de la publicité. C’est du cinéma.
Les ingrédients du succès :
1/ On veut connaître la suite de l’histoire.
On commence avec une situation simple mais efficace, un jeune homme, qui fait des courses avec ses potes, tombe amoureux de la jeune caissière. Celle-ci fait une moue réprobatrice devant le défilé de junk food à la caisse. Qu’est-ce qui se passe ensuite ? C’est ce qui maintient le spectateur vissé à son siège tout au long des 3 minutes qui vont suivre.
2/ De l’humain, des situations et des émotions.
Le héros dans ce film court, ce n’est pas le produit, mais le jeune homme qui découvre la cuisine et le manger sain. L’hypermarché est, tout au plus un décor. Ce n’est qu’à la dernière image que la marque se révèle, comme le générique de fin d’un film.
3/ Une identification qui marche à fond.
Ce qui est malin avec ce film, c’est d’avoir incarné en 3 minutes une tendance de fond sur l’alimentation, à savoir les nouvelles attentes des consommateurs sur le bien manger. Du coup, on se sent TOUS concernés par le message. On a envie d’adhérer !
4/ Une pointe d’humour qui fait du bien.
Il y a les potes du héros qui se moquent gentiment de lui. Il y a le plat préparé avec amour qui crame dans le four. Il y a le héros, perplexe devant l’étalage du poissonnier. C’est hyper bien joué et vous avez probablement vécu certaines situations.
5/ Une narration efficace.
On a un incident déclencheur, on a l’apprentissage du héros, on a quelques rebondissements (les amis du héros, moqueurs qui finissent par apprécier la grande cuisine par exemple), on a un moment fort à la fin : quand le héros s’aperçoit que la caissière dont il est amoureux n’est plus là…pour la retrouver à la sortie de l’hypermarché, à l’arrêt de bus. C’est un mini film.
Storytelling : Une initiation
à la communication non verbale ?
La mort de la publicité, c’est aussi la fin du littéral. Elle prend acte du fait que le spectateur, l’internaute, est aujourd’hui plus éduqué à l’image. Il n’y a pas besoin d’y aller avec ses gros sabots. De la subtilité, dire les choses sans les dire, est toujours plus difficile, mais aussi plus efficace.
Le film publicitaire, passé au crible du storytelling, devient un véhicule de valeurs. On abandonne la platitude des promotions sur les produits, l’obsession du « moins cher ». On s’envole vers la passion, la séduction, le plaisir des jeux de mots. La marque retrouve une âme.
Pour autant, la naissance du storytelling n’équivaut pas à transformer le boniment en belles histoires mensongères. Pour être authentique, la démarche du storytelling consiste à partir du produit, du service ou de l’entreprise et à en faire émerger le potentiel dramatique. On ne cherche pas à vendre du rêve. Dans le périmètre de la marque, on met au jour les valeurs, le sens, dont elle est déjà porteuse.
Enfin, dernier point, le storytelling ne verse pas seulement dans le sentimentalisme. L’émotion repose sur un message. Une histoire est la mise en situation d’une thématique, d’une signification. Le storytelling est un savant mélange d’émotion et d’intellect. Parce qu’il déroule une histoire, il oblige à aller plus en profondeur dans la démarche marketing. Le supplément d’âme de la marque est dans ce retour aux valeurs et au sens.
Nous sommes les témoins de la nécessaire transformation du marketing. Nous voyons naître des cendres du spot de pub, le film court, construit sur un storytelling élaboré. Un marketing qui vise à faire venir à lui, en douceur, les consommateurs, s’installe. Et c’est tant mieux. De l’art, de la poésie, voilà ce qui réconcilie le public avec le « commercial ».
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